En 2008, à Pékin, le nageur américain Michael Phelps est devenu le premier athlète, tous sports confondus, à remporter huit médailles d’or lors des mêmes Jeux olympiques. Il a ainsi battu l’ancien record établi par son compatriote Mark Spitz, sept fois titré en natation aux Jeux olympiques de Munich en 1972.

Sans le moindre doute, sa consécration était pleinement méritée. Que ce soit pour ses qualités physiques exceptionnelles, ses entraînements rigoureux, ses exercices de visualisation, ses excellentes techniques de nage ou pour son état d’esprit sans égal, Michael Phelps fait partie d’une classe à part. Or, une question s’impose : quel rôle a joué la chance dans son succès?

Plusieurs diront que la chance n’est certainement pas un facteur décisif dans le succès du nageur. Pourtant, lorsqu’il a récolté sa 7e médaille d’or à l’épreuve du 100 m papillon, Michael Phelps a sûrement tiré profit de sa longue portée ou d’une petite vague dans le couloir du médaillé d’argent. En effet, en consultant la photo d’arrivée, il est impossible de déterminer qui, de lui ou de son rival serbe Milorad Cavic, a touché au mur en premier. C’est bien normal, car un infime écart d’à peine un centième de seconde les séparait. Pour vous donner une idée, même un battement de cil dure plus longtemps!

Il est donc impératif de reconnaître le rôle de la chance dans le sport de haut niveau et, bien entendu, dans le domaine de l’investissement. Pour mieux comprendre cette réalité, le concept du paradoxe de compétence est très utile.

D’après ce principe, le résultat de certaines activités est déterminé par la combinaison d’habiletés et de chance. Plus le degré d’habileté des participants est élevé, plus l’écart de compétence entre eux est minime, ce qui donne une importance accrue à la chance, un facteur qui demeure constant.

Le facteur chance à la Bourse

Depuis quelques années, de nombreuses études montrent que les gestionnaires de portefeuilles sont généralement incapables de produire un rendement supérieur à celui produit par leur indice de référence correspondant. À titre d’exemple, en 2020, seulement 40 % des gestionnaires de fonds communs de placement américains à grande capitalisation ont mieux fait que le S&P 500. Ce résultat peut paraître surprenant, car ce sont des personnes intelligentes et qualifiées ayant accès à de l’information financière de qualité ainsi qu’à une panoplie d’outils d’analyse sophistiqués. Par contre, comme la Bourse est la somme des connaissances, de l’expérience et du jugement de milliers d’investisseurs, il est difficile de se démarquer uniquement par ses aptitudes. Le concept de paradoxe de compétence s’applique donc et le facteur chance est ainsi bien présent, surtout à court terme.

La solution

L’être humain aime pouvoir s’expliquer un phénomène en établissant une relation de causalité. L’argument rationnel lui donne une impression de contrôle et lui permet de réagir adéquatement. Or, étant donné le caractère incertain et aléatoire du marché boursier, il n’y a aucune certitude quant au rendement à court terme d’un portefeuilliste. En acceptant le rôle de la chance, l’investisseur optera alors pour une diversification de gestionnaires de fonds communs de placement et, surtout, jugera de leur performance sur un horizon de placement convenable (p. ex. : une période de cinq ans). Ainsi, à l’image de Michael Phelps, il ne laissera pas une bonne occasion lui filer entre les doigts…

Crédit photo : Heinz Kluetmeier, Sports Illustrated
*Veuillez noter que cet article a été publié dans la version papier du journal Les Affaires.

Sources :

Mauboussin, M. et Callahan, D. (2013). Alpha and the Paradox of Skill. Crédit Suisse.
S&P Dow Jones Indices (2021). Daily Dashboard, S&P Global, 17 mars.

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