Il y a des phrases qui, même sans être criées, coupent court à la discussion. « Je ne suis pas d’accord » en fait partie. Sur le fond, elle est parfaitement légitime. Mais sur la forme, elle agit souvent comme un couvercle. Plutôt que de faire avancer la discussion, elle la fige. L’effet est presque automatique : l’autre se referme, se sent jugé ou se met sur la défensive. Et ce qui aurait pu être un échange d’idées devient un duel de positions.
Mais est-ce vraiment nécessaire ?
Et s’il était possible d’exprimer une divergence sans rompre le dialogue?
C’est précisément ce que propose Jefferson Fisher dans son remarquable ouvrage The Next Conversation. Il y partage des outils concrets pour désamorcer les tensions et bâtir des ponts, même quand les avis diffèrent. Parmi ceux-ci, trois formulations se distinguent par leur capacité à préserver l’élan d’une conversation tout en affirmant une perspective propre. Des phrases qui ouvrent l’espace, au lieu de le restreindre.
1. « Je vois les choses différemment. »
Plutôt que de rejeter l’opinion de l’autre, cette phrase l’accueille tout en proposant un autre regard. Elle repose sur une idée simple, mais puissante : notre vision du monde est toujours partielle, influencée par notre vécu, nos valeurs, notre contexte. En nommant une perception, on évite de trancher dans le vif. On invite plutôt à explorer ce qui se cache derrière les points de vue. On crée un espace où chacun peut exprimer ce qu’il voit, sans chercher à imposer ce qu’il croit.
2. « J’adopterais une autre approche. »
Ici, la divergence n’est pas un obstacle — c’est une variation. On ne remet pas en cause la destination, mais on propose un itinéraire différent. Cette formulation renforce l’idée que, malgré nos différences, nous poursuivons le même objectif. Elle transforme le désaccord en complémentarité. Et en contexte de collaboration, cette posture est précieuse : elle garde le dialogue centré sur le problème à résoudre, et non sur les ego.
3. « J’ai tendance à pencher pour l’option inverse. »
Cette phrase est tout en nuance. Elle ne contredit pas. Elle n’attaque pas. Elle révèle une préférence personnelle, une tendance, une sensibilité. Elle reflète une posture ancrée dans l’expérience plutôt qu’une volonté d’avoir raison. Elle est idéale lorsque les discussions touchent à des enjeux plus subjectifs — valeurs, styles, intuitions — car elle laisse toute la place à l’autre pour exprimer son point de vue sans crainte d’être contredit.
Ces trois formulations ont un effet en commun : elles maintiennent l’oxygène dans la pièce. Elles rappellent qu’un désaccord bien formulé ne coupe pas la conversation — il la prolonge.
Elles nous éloignent des verdicts pour nous rapprocher des points de vue.
Elles transforment le conflit en curiosité.
Parce qu’au fond, mieux exprimer un désaccord, c’est avant tout mieux se comprendre.
Source :
Jefferson Fisher. The Next Conversation: How to Communicate with Confidence, Purpose, and Authenticity, Tarcher, 2025.
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