Il fut un temps où, chaque fois que je remettais une tâche à plus tard, je me jugeais durement. Paresse, manque de volonté, discipline défaillante — je m’infligeais ces étiquettes sans chercher plus loin. Le sentiment de culpabilité prenait toute la place, au détriment de la compréhension.
Ce regard a changé le jour où j’ai découvert deux éclairages qui m’ont permis de mieux comprendre la procrastination et d’en faire une alliée plutôt qu’une ennemie. Ces outils simples m’ont aidé à l’apprivoiser avec moins de culpabilité et davantage de discernement.
1 – Le regard du « futur moi »
L’expert en comportement humain Chase Hughes explique que la procrastination survient souvent lorsque nous faisons ce qui nous tente sur le moment, plutôt que ce qui servirait vraiment notre progression.
Il propose une question éclairante :
« Que dirait mon moi de demain de mon choix d’aujourd’hui ? »
Depuis que je me la pose, je prends des décisions plus alignées sur la personne que je souhaite devenir, et non uniquement sur mon humeur du moment. Cette projection dans le futur suffit souvent à me remettre en mouvement, même pour des tâches simples.
2 – Comprendre plutôt que juger : le modèle tête–cœur–main
La neuroscientifique Anne-Laure Le Cunff invite à voir la procrastination non comme une faute, mais comme un message à décoder. Elle discerne trois sources possibles de blocage :
– La tête (rationnel) : Le blocage survient quand la tâche ne semble plus logique ou justifiée. On la repousse parce qu’on ne comprend plus pourquoi elle est importante. Il m’est arrivé de mettre un projet en pause simplement parce que son objectif ne me paraissait plus pertinent, ou qu’il ne correspondait plus à mes priorités du moment. La tête doute, analyse, s’interroge sur le sens.
– Le cœur (émotionnel) : Le blocage vient d’un manque de motivation ou de connexion émotionnelle. On sait que la tâche a un sens, mais on ne ressent plus l’envie de s’y plonger. Ce n’est pas une question de logique, mais d’élan intérieur. Certaines tâches, pourtant utiles ou simples, me sont apparues lourdes à réaliser, simplement parce qu’elles ne m’inspiraient plus ou qu’elles me laissaient indifférent.
– La main (pratique) : Le blocage vient d’un manque de moyens concrets pour avancer. On sait quoi faire et pourquoi, mais on ne sait pas comment s’y prendre. Parfois, c’est l’ampleur de la tâche, le manque de repères ou la peur de mal faire qui nous paralyse. Je pense à ce document que j’ai repoussé pendant des semaines : ce n’était pas un manque de volonté, mais une hésitation technique. Le jour où j’ai simplement demandé à un ami de le relire, tout a débloqué. Ce petit coup de pouce m’a permis de reprendre confiance et d’avancer.
Depuis que j’ai intégré ce modèle, je prends le temps de cerner l’origine du blocage.
Quand la tête doute, je clarifie l’objectif.
Quand le cœur résiste, je renoue avec le sens.
Quand la main hésite, je demande de l’aide ou je commence petit.
La procrastination n’est plus pour moi un échec à éviter, mais un signal à écouter. Une invitation à mieux respecter mes besoins, à ajuster mon cap et à m’accompagner avec lucidité et bienveillance.
Aujourd’hui, quand je sens une résistance, je m’appuie sur ces deux questions essentielles :
« Que dirait mon moi futur de ce choix ? »
« D’où vient ce blocage : la tête, le cœur ou la main ? »
Et vous, si vous écoutiez ce que votre procrastination essaie de vous dire, que découvririez-vous ?
Sources :
The Art of Charm. Your Brain Needs More Space, Not More Hacks | Dr. Anne-Laure Le Cunff, YouTube, juillet 2025.
Doug Bopst. #1 Behavior Expert: « Why You’re Always Bored & Unhappy » | Chase Hughes, YouTube, juin 2025.