Un jour, lors d’une promenade, le poète français Jacques Prévert est allé à la rencontre d’un aveugle qui mendiait, ayant devant lui un écriteau sur lequel on pouvait lire ceci : « Aveugle sans pension de retraite. ».

Le poète lui posa alors la question suivante : « Et puis, est-ce que les gens sont généreux? ».

« Pas vraiment », répondit le non-voyant dans le besoin.

C’est alors que M. Prévert lui demanda la permission d’emprunter sa pancarte afin d’écrire un autre message au revers de celle-ci, sans toutefois lui mentionner le contenu. Une demande que l’aveugle accepta d’emblée.

Le lendemain, alors qu’il marchait, M. Prévert tomba de nouveau sur l’itinérant aveugle et lui posa sensiblement la même question que la veille : « Et puis, est-ce que les gens sont devenus plus généreux? »

« Oui, c’est incroyable! Je n’ai jamais amassé autant d’argent de ma vie! », répondit-il avec enthousiasme.

Sur l’affiche, M. Prévert avait écrit ceci : « Le printemps s’en vient, mais je ne le verrai pas ».

Ceci est un bel exemple de storytelling ou l’art de raconter des histoires, une technique d’influence qui tient compte de l’aspect émotionnel, mais dont l’utilisation demeure encore limitée. D’après Jennifer Aaker, psychologue et professeure à l’Université Stanford, nous valorisons principalement la pensée analytique en exposant des faits, des graphiques, des statistiques ainsi que des tableaux lorsque nous sommes appelés à soumettre un produit, un service ou une idée.

À ce propos, Mme Aaker a mené une expérience auprès de ses étudiants. Elle leur a d’abord demandé de présenter un argumentaire de vente (pitch) devant la classe. En moyenne, 10 % d’entre eux ont fait appel au storytelling. Le reste des étudiants ont eu recours au raisonnement logique décrit précédemment. Ensuite, la professeure a questionné les étudiants sur le contenu livré par leurs condisciples. Le constat a été frappant : seulement 5 % des étudiants ont été capables de se rappeler d’au moins une statistique alors que 63 % ont d’entre eux ont été en mesure de se souvenir d’au moins une histoire!

Je vous invite donc à utiliser davantage le storytelling comme technique de persuasion. Pour ceux et celles qui sont peu familiers avec cette approche, Jonah Berger, l’auteur du livre Magic Words, propose ce conseil à la fois simple et efficace : faire vivre des montagnes russes émotionnelles. C’est à la suite d’une minutieuse analyse de nombreux films à succès comme Forest Gump, la Guerre des étoiles ou la saga Harry Potter qu’il est arrivé à cette conclusion.

Cela veut dire que votre histoire doit être riche en rebondissements et que vos personnages doivent vivre une succession de hauts et de bas afin de garder votre interlocuteur ou auditoire en haleine jusqu’à la fin. C’est un peu comme mon histoire du quêteux aveugle qui, du jour au lendemain, a amassé un petit pactole!

Sources :

Janine Kurnoff et Lee Lazarus. Everyday Business Storytelling. Wiley, 2021.

Jonah Berger. Magic Words. Harper Business, 2023.

Maria Konnikova. The Confidence Game. Penguin Books, 2017.

Crédit image :   Depositphotos

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