En 2010, dans le cadre de la Coupe du monde de soccer, une légende est née. Après avoir correctement prédit le résultat de sept parties impliquant l’Allemagne, cet oracle a annoncé la victoire de l’Espagne contre les Pays-Bas lors de la grande finale. C’est quand même incroyable, puisque sa probabilité d’obtenir huit pronostics justes consécutifs n’était que de 0,39 %.
Ce n’est donc pas un hasard si un entrepreneur russe a proposé 300 000 euros pour obtenir ses services, une offre que son propriétaire a refusée… Eh oui, ce « devin » était une pieuvre du nom de Paul! Pour déterminer le futur vainqueur d’un affrontement, le poulpe devait choisir entre deux boîtes transparentes étiquetées du drapeau des équipes concernées avant de s’emparer de la nourriture placée dans l’une d’entre elles.
En connaissant le processus décisionnel utilisé, seriez-vous prêt à suivre religieusement les recommandations d’un tel système?
Je suis convaincu que la plupart d’entre vous répondraient par la négative. Or, pour ceux qui seraient séduits par l’idée, laissez-moi vous présenter deux arguments qui vont à l’encontre d’une telle approche tout en faisant des parallèles avec l’investissement boursier.
1-La loi des grands nombres
La séquence heureuse de Paul la pieuvre peut s’expliquer par la loi des grands nombres. Considérant le nombre élevé d’occurrences d’un événement à travers le temps, il est normal qu’un résultat précis se produise malgré sa faible probabilité de réalisation. Lors de chaque événement sportif d’envergure, de nombreux animaux dotés de soi-disant pouvoirs surnaturels comme Achille le chat, Nelly l’éléphant ou Bob le paresseux tentent de prédire l’issue des parties. Par conséquent, le nombre de prédictions effectuées par des oracles animaux (l’occurrence) croît continuellement, augmentant ainsi la probabilité d’obtenir une séquence parfaite (le résultat précis), comme celle enregistrée par le célèbre poulpe.
Si l’on applique le même raisonnement à la Bourse, nous sommes certains de constater d’exceptionnelles performances à court terme pour la simple et bonne raison qu’il existe des millions de participants de marché. Il est ainsi statistiquement possible qu’une personne enregistre un nombre élevé de transactions gagnantes consécutives, même en l’absence d’un processus décisionnel rigoureux.
2-Le biais du survivant
Cette erreur de jugement nous amène à surévaluer la qualité d’une approche, d’une façon de penser ou d’un système en concentrant notre attention uniquement sur les histoires à succès, écartant ainsi les situations qui ont moins bien fonctionné. Du coup, notre analyse ne tient compte que d’un échantillon restreint de données susceptibles de fausser notre jugement.
Les médias, avides de sensationnalisme, accentuent ce phénomène. À l’évidence, par manque d’intérêt public, ces derniers ne feront jamais mention de tous les animaux de la planète qui tentent en vain de trouver la prochaine équipe gagnante ou, en Bourse, de l’ensemble des participants de marché dont la performance n’est pas au rendez-vous…
Il est donc primordial de mettre en place un processus décisionnel basé sur une recherche rigoureuse, sans quoi vous risquez de tomber dans le même panneau que l’entrepreneur russe. En effet, il est dangereux de se fier aux opinions ou aux idées d’investissement de ceux et celles qui se targuent de connaître du succès boursier à court terme sans connaître la logique derrière leur raisonnement (la loi des grands nombres) et n’ayant en main qu’un aperçu de leur performance globale (le biais du survivant).
*Veuillez prendre note que cet extrait est tiré d’un texte envoyé aux clients de Desjardins Courtage en ligne en 2020.
Sources :
Agence France-Presse. Paul le poulpe est mort. La Presse, 26 octobre 2010.
Christian Letendre. Neuf animaux qui font des prédictions sportives. Balle Courbe, 18 juin 2020.
David J. Hand. The Improbability Principle: Why Coincidences, Miracles, and Rare Events Happen Every Day (Reprint Edition). Scientific American / Farrar, Straus and Giroux, 2015.
Olivier Sibony. You’re About to Make a Terrible Mistake. Little Brown Spark, 2020.
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