Lorsque votre enfant rentre de l’école, le réflexe naturel est de lui demander : « Comment s’est passée ta journée ? » C’est une question bien intentionnée, qui vise à créer un moment de connexion. On demande parfois : « Qu’est-ce que tu as appris ? ». Ces formulations invitent l’enfant à raconter ce qui s’est produit, mais elles n’ouvrent qu’une petite fenêtre sur son monde intérieur. Très souvent, la réponse est brève. Non pas parce que sa journée était vide, mais parce qu’analyser ce qu’on vit est une habileté qui se développe lentement. Et même pour nous, adultes, poser une bonne question demande du temps et de la pratique.

C’est là qu’entre en scène une idée simple, mais profondément transformatrice, proposée par l’auteur stoïcien Ryan Holiday : « As-tu posé une bonne question aujourd’hui ? ». Cette formulation change le cœur même de la conversation. Elle déplace l’attention du récit vers la compréhension, du quotidien vers la réflexion. Vous valorisez désormais ce que l’enfant cherche à comprendre plutôt que ce qu’il a simplement retenu. Vous n’encouragez plus la passivité, mais la curiosité active.

Poser une bonne question, c’est souvent dire : « Qu’est-ce que ça veut dire ? », « Comment ça marche ? », « Pourquoi est-ce comme ça ? ». Ces questions forment la base de la pensée inquisitive. Elles montrent une envie d’aller plus loin et révèlent une maturité intérieure : reconnaître ce qu’on ne comprend pas est déjà un signe d’intelligence, d’humilité et d’ouverture. Elles transforment le savoir en exploration plutôt qu’en performance.

Dans un monde où l’intelligence artificielle prend une place croissante, cette compétence devient essentielle. L’IA ne réfléchit qu’à partir des questions qu’on lui pose. Une question vague produit une réponse superficielle. Une question précise ouvre un véritable chemin de réflexion. La différence entre « Explique-moi les volcans » et « Pourquoi certains volcans restent actifs pendant des siècles alors que d’autres s’éteignent rapidement ? » illustre à quel point la formulation change la profondeur de la pensée. Les adultes de demain seront ceux qui maîtriseront l’art de poser les bonnes questions.

Cette nouvelle approche enrichit aussi les échanges. Au lieu d’un résumé rapide, vous obtenez ce qui a réellement stimulé son esprit : ce qui l’a intrigué, dérouté ou fasciné. Vous entrez dans son univers intérieur, celui où se construisent ses idées, ses intuitions et sa compréhension du monde. Pour ancrer cette habitude, vous pouvez instaurer un petit rituel du soir où chacun partage sa « bonne question du jour ». Simple, doux, et étonnamment puissant.

Cette approche transforme aussi la relation parent-enfant. En posant ce type de question, vous envoyez un message clair : la curiosité compte plus que la performance. Vous créez un environnement où il peut exprimer librement ses doutes, ses intuitions et ses questions profondes, et vous l’accompagnez dans le développement de compétences essentielles comme l’esprit critique, l’introspection et la capacité à naviguer dans l’incertitude.

En remplaçant « Comment ça s’est passé ? » par « As-tu posé une bonne question aujourd’hui ? », vous l’encouragez à devenir un explorateur du monde plutôt qu’un simple observateur. Vous l’invitez à questionner, à chercher, à creuser. Vous lui donnez les outils pour évoluer dans un univers où la bonne question ouvre mille fois plus de portes qu’une réponse rapide.

Et surtout, vous lui transmettez une vérité essentielle : la sagesse ne commence pas par une réponse, mais par une question qui ouvre le chemin.

Source :

Ryan Holiday. Wisdom Takes Work: Learn. Apply. Repeat. 2025.

Crédit image :

ChatGPT