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Quand la philanthropie rencontre la prévention

Quand la philanthropie rencontre la prévention

En cette Journée nationale de la philanthropie, je souhaite exprimer ma profonde gratitude envers les Joyeux philanthropes, dont l’engagement au service de la communauté demeure exemplaire.

Aujourd’hui, un don de 2 400 $ sera remis au Centre de Référence du Grand Montréal (CRGM), un organisme qui, depuis 1956, accompagne des milliers de personnes en situation de vulnérabilité partout au Québec.

Ce financement permettra d’offrir une première formation spécialisée à 30 intervenantes et intervenants des services Jeu : aide et référence (JAR) et TéléCounseling (TC).

Cette formation portera sur un enjeu en forte croissance, mais encore trop peu compris : la dépendance liée à la Bourse, au boursicotage et à la cryptomonnaie.

Il s’agit d’une démarche préliminaire, dont l’objectif est d’offrir à plus long terme un service mieux adapté à cette clientèle émergente.

Alors que de plus en plus de personnes vivent une détresse réelle associée à des comportements financiers compulsifs — souvent invisibles et difficiles à reconnaître — il devient essentiel d’outiller progressivement les équipes de première ligne. Cette formation leur permettra notamment de :

• mieux comprendre les mécanismes psychologiques liés à la dépendance au trading ;
• reconnaître les besoins particuliers de cette clientèle émergente ;
• adapter leurs approches d’intervention dans un contexte où se croisent dynamiques financières et ludiques.

De mon côté, je contribuerai au projet en offrant une formation sur les mécanismes comportementaux derrière nos décisions d’investissement. Mon objectif est d’enrichir la compréhension des intervenants et de leur fournir un éclairage complémentaire ancré dans la réalité des marchés financiers.

Ce projet s’inscrit dans une initiative essentielle : mieux comprendre pour mieux soutenir. Il repose sur un effort collectif où chaque geste compte et où chaque nouvelle étape renforce la qualité de l’accompagnement offert.

Je remercie sincèrement les Joyeux philanthropes pour leur appui à cette initiative porteuse.

Ne pas se noyer en voulant sauver le monde

Ne pas se noyer en voulant sauver le monde

Une personne s’agite en pleine eau, gagnée par la panique. Instinctivement, tu veux plonger pour la secourir. Pourtant, chaque sauveteur formé le sait : face à une personne en détresse, le vrai danger c’est qu’elle entraîne son sauveteur dans sa noyade. Prise de panique, la personne peut s’agripper et tirer vers le bas celui qui voulait l’aider. Ainsi, ce qui devait être un geste de secours peut mettre deux vies en danger.

Ce scénario décrit un piège fréquent : vouloir sauver coûte que coûte. On parle en psychologie du syndrome du sauveur : ce besoin de prendre en charge les problèmes des autres, de se rendre indispensable, parfois au point de s’épuiser et de se perdre. Cet élan naît souvent d’une peur de décevoir, d’une quête d’approbation ou de l’idée que notre valeur dépend de ce que l’on donne.

On le voit, par exemple, lorsqu’une amie traverse une période d’anxiété. Tu l’écoutes, la rassures, réponds à ses messages tard le soir. Progressivement, tu y penses tout le temps : tu dors moins, tu portes son anxiété, et elle semble paradoxalement perdre confiance en elle. Sa détresse se met à circuler. C’est ce que les psychologues appellent la contagion émotionnelle : l’émotion de l’autre devient la tienne.

Le même mécanisme se retrouve au travail. Tu deviens la personne à qui l’on confie frustrations, urgences, tâches invisibles. On vient te voir « parce que tu comprends ». Alors tu restes plus tard, tu compenses, tu absorbes. Et, peu à peu, tu te rends compte que tu soutiens l’équipe à toi seul — souvent sans que personne ne le voie. Avec le temps, cette posture use la clarté intérieure, diminue la disponibilité, réduit la capacité de recul.

Et ce qui vaut dans l’eau vaut aussi dans la vie : donner ne peut être juste que si l’on reste ancré en soi.

Les sauveteurs professionnels ne se précipitent jamais sans préparation. Ils s’assurent d’abord de leur propre stabilité : ils lancent une bouée, tendent une perche, approchent avec une embarcation. Dans la relation d’aide, cela revient à installer un cadre : une présence engagée, mais aussi des limites claires.

Certaines pratiques permettent justement de préserver cet équilibre. Nommer ses limites, simplement, pour maintenir la relation vivante : « Je veux t’aider, mais j’ai aussi besoin de me ressourcer. » Rediriger vers des ressources professionnelles au besoin. Encourager l’autre à mobiliser ses propres ressources, en posant des questions qui ouvrent plutôt qu’en répondant à sa place : « Qu’est-ce qui pourrait t’apaiser maintenant ? »

Il est tout aussi important d’apprendre à sentir quand l’on commence à se disperser intérieurement : lorsque l’esprit n’est jamais vraiment au repos, que la patience s’épuise, que l’on se surprend à s’effacer pour maintenir l’harmonie.

Comme le rappelle Galilée :

« On ne peut rien enseigner à autrui. On ne peut que l’aider à le découvrir lui-même. »

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Quand la peur de perdre fait gagner du monde

Quand la peur de perdre fait gagner du monde

Obtenir un bon taux de réponse à un sondage, c’est un peu comme tenter de remplir une salle de conférence un vendredi après-midi : l’intérêt est là, mais la motivation manque souvent pour passer à l’action. Et si la clé résidait dans notre approche de la récompense ?

Pour connaître l’opinion de leur clientèle ou accroître la participation à une activité, les entreprises misent souvent sur la formule bien connue : « Participez et courez la chance de gagner ! » L’intention est louable, mais les résultats, eux, le sont rarement. Parfois, ce n’est pas le plaisir de gagner qui pousse à agir, mais la peur viscérale de manquer quelque chose.

C’est précisément ce qu’ont voulu vérifier des chercheurs de l’Université Duke en 2016, en menant une expérience fascinante qui a été rapportée par Daniel Pink dans son ouvrage The Power of Regret. Près de 6 000 étudiants, répartis en deux groupes, ont reçu un sondage de satisfaction. Dans le premier groupe, la formule classique a été employée : seuls ceux qui répondaient pouvaient participer au tirage d’un chèque-cadeau de 75 $. Dans le second, tout le monde était admissible, mais si la personne gagnante n’avait pas répondu au sondage, elle perdait automatiquement le prix et un autre nom était tiré.

Les conclusions furent éloquentes : un tiers seulement des étudiants du premier groupe ont participé, contre deux tiers dans le second. Le simple risque de perdre un prix « virtuellement gagné » a suffi à doubler le taux de participation. Cette expérience illustre brillamment ce qu’on appelle la loterie du regret, fondée sur un principe central de la psychologie comportementale : l’aversion aux pertes.

Nous ressentons deux fois plus intensément la douleur d’une perte que le plaisir d’un gain équivalent. Anticipant le regret cuisant d’apprendre qu’ils auraient pu gagner, mais qu’ils avaient été disqualifiés par leur inaction, les étudiants ont choisi d’agir pour éviter cette émotion inconfortable. Un constat qui dépasse largement le cadre académique et qui touche à l’essence même de la prise de décision.

Que ce soit dans notre vie personnelle ou professionnelle, nos choix sont souvent davantage guidés par la peur de perdre que par l’espoir de gagner. Une réalité que les entreprises auraient tout intérêt à intégrer dans leur stratégie de mobilisation. Au lieu d’inviter à participer pour gagner, pourquoi ne pas inciter à agir pour ne pas perdre sa chance ?

Car dans la grande loterie du regret, ce ne sont pas les prix qu’on remporte qui font bouger les lignes, mais ceux qu’on refuse de laisser filer. Alors, la prochaine fois que vous lancerez un sondage ou un concours, rappelez-vous cette leçon de psychologie comportementale et posez-vous cette question essentielle : comment puis-je transformer l’inaction en risque, et la participation en évidence ?

Peut-être découvrirez-vous alors que la clé de l’engagement ne se trouve pas dans la promesse du gain, mais dans la peur de la perte. Et que pour faire gagner votre monde, il faut parfois le faire trembler un peu. Êtes-vous prêt à jouer à ce jeu subtil et puissant du regret anticipé ?

Source :

Daniel Pink. The Power of Regret: How Looking Backward Moves Us Forward. Riverheads Books.

Tu n’es pas toi quand tu as faim

Tu n’es pas toi quand tu as faim

Chaque année, à l’Halloween, il y a deux certitudes : les enfants mangent trop de bonbons et Snickers demeure la reine incontestée des barres chocolatées. En 2024, la marque fétiche s’est de nouveau hissée au sommet des ventes aux États-Unis. Une prouesse remarquable pour une marque née en 1930, propulsée au rang d’icône mondiale par une publicité devenue légendaire : You’re not you when you’re hungry.

Diffusée pour la première fois au Super Bowl de 2010, cette campagne, portée par Betty White, montrait des personnages irritables ou maladroits qui redevenaient eux-mêmes après une bouchée de Snickers. Le message, simple et universel, tenait en une phrase : quand on a faim, on n’est plus soi-même.

Ce slogan va bien au-delà du marketing. Derrière l’humour se cache une vérité psychologique : nos états physiques et émotionnels influencent profondément notre façon de penser et d’agir. La publicité ne vend pas qu’une barre de chocolat : elle nous renvoie à notre propre fragilité, à ces moments où la faim, la fatigue ou la tension prennent le dessus sur la raison.

Cette idée rejoint une notion essentielle en psychologie : l’acronyme H.A.L.T., pour Hungry, Angry, Lonely, Tired. Ces quatre états — la faim, la colère, la solitude et la fatigue — réduisent notre lucidité et augmentent nos réactions instinctives. Quand ils s’installent, la logique cède la place à l’émotion. Le jugement se brouille, la décision devient impulsive, parfois regrettable.

Avant d’agir, d’écrire ou de trancher, ça vaut la peine de se poser une question simple : suis-je vraiment dans les bonnes dispositions pour décider ? Autrement dit : suis-je pleinement moi-même en ce moment ?

Sous ses airs légers, la leçon de Snickers nous rappelle que la qualité de nos choix dépend souvent moins de nos connaissances que de notre état intérieur. Prendre une décision avec l’esprit fatigué ou le ventre vide, c’est laisser nos émotions s’asseoir à la table du raisonnement.

Alors, en cette soirée d’Halloween, pendant que les enfants remplissent leurs sacs de friandises, gardons à l’esprit que la clarté ne se trouve pas toujours dans les sucreries, mais dans la présence à soi. Et si un petit monstre bougon frappe à votre porte, offrez-lui une Snickers — parfois, il suffit d’une bouchée pour retrouver qui l’on est.

Source :

Richard Shotton et Michael Aaron Flicker. Hacking The Human Mind: The behavioral science secrets behind 17 of the world’s best brands. Harriman House. 2025.

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